Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

La Creuse, de reflets en ballades

18 mai 2013

Rien ne révèle ce que je pense. Ni la surface

Page d'écriture au Bar en Zinc

Rien ne révèle ce que je pense. Ni la surface aveugle de l’écran, ni le cliquetis obsédant des touches du clavier. Encore moins. Je pense entre les lignes comme vous ne soupçonnez pas, vous, autant que vous êtes à lire mes façons, à sonder mes humeurs, à donner la leçon. Sous un toit loin d’ici, dans une ville que je ne connais pas encore… une fenêtre ouverte. 

Rien ne révèle ce que je suis. Ni l’encre sympathique de mon entrain, ni le verbe acéré de ma mauvaise foi. Encore moins. Je suis sur des lisières qu’ils ne fréquentent pas, eux, autant qu’ils sont à tenir le cordeau, à longer la rigole, à flatter les corbeaux. Au creux d’un chemin creux que je ne connais pas encore, dans une trouée du feuillage… un reflet soudain.

Rien ne révèle où je vais. Ni l’air que je déplace, ni la trace fuyante surlignée par le curseur de la machine. Encore moins. Je vais au plaisir du hasard comme nous le faisons tous, nous, autant que nous sommes à brûler les deux bouts, à flairer les occases, à survivre debout. Au bord de la falaise du ciel que je ne connais pas encore… une étoile hésite.

 Jean Pauly, "Bordures du Champ secret"

Publicité
Publicité
17 mai 2013

Les plis Sur les bords de la Glane, les draps

Page d'écriture au Bar en Zinc

 

Les plis

Sur les bords de la Glane, les draps tachés, les draps brûlés, les draps souillés de haine,
deux femmes en plein soleil, soigneusement, replient le temps.
Deux femmes suppliciées replient le temps
Chaque pli, chaque pile, chaque passant
Chaque pas sur la ligne du tram à Oradour
Replie le temps
Un oiseau dans les ruines, un volet au vent
Ferment le ban
Les doigts des murs dressés vers le ciel
Les maisons crevées, les maisons exorbitées guettent
Sur la place d’Oradour où le vide prend source
Aucun écho, les rires, les jeux, les gens,
S’imaginent et disparaissent
Sur la place où rien ne s’entend, j’écoute la vie
J’écoute l’effroi
Tour à tour surgissent les chants,
La cour, l’école de filles
Tour à tour, la vie, l’effroi,
les rires les chants, les jours,
les loups les coups, les flammes, les innocents

Soigneusement, deux femmes sous le soleil, replient le temps
Derrière les murs d’Oradour
Deux femmes massacrées, deux femmes seules replient le temps
Et bercent leur enfant
Toujours elles recommencent, toujours elles plient
Rien ne s’oublie

Derrière les murs d’Oradour
Au loin, qui se rapprochent
De Hongrie, de Serbie, aux berceaux d’Europe
J’entends claquer les bottes
J’entends roter la haine
Plus elle se renforce, plus elle crie
Hier soir au journal, mécanique et scandée
La voix répète : "Autre, haine, Autre, haine!"
Le journaliste tente : « vous l’avez-déjà dit »
Mais elle bégaie son histoire
Sans s’occuper du bonhomme
Comme toujours
Toujours la même

Passant, souviens-toi
Tandis qu'elle vocifère.

 

Jean-Paul Raffel, "Bordures du Champ secret"

 

16 mai 2013

L'arbre du temps Après cette fenêtre aux barreaux

Page d'écriture au Bar en Zinc

L'arbre du temps

Après cette fenêtre aux barreaux grillagés,
Survit un petit arbre pensif,solitaire,
Aux racines qui giclent tout au fond de la terre
De la maison d'arrêt. Là, sont les encagés.

Si loin sont la femme et l'enfant.

C'est l'arbre balancier de ce temps détenu,
Ses bourgeons puis ses feuilles, ses fleurs et la jonchée.
Un an dit le tilleul de ces quatre battées.
Et mon coeur, lui aussi, est comme un arbre nu.

Si près sont la femme et l'enfant.

Ce haut mur de briques a découpé ma vie
Et enclos mes erreurs, mon présent de chagrin,
La solitude à quatre et l'avenir lointain.
Derrière, si près, je sais les parfums que j'envie.

Revoir, revoir femme et enfant ?

Dans la cour des pas lents où passe ma vie piètre,
Survit un petit arbre têtu et solitaire.
Comme lui tenir, tenir, être encore et se taire.
Retrouver des poignées aux portes, aux fenêtres.

Revoir d'infinis paysages.

Bernard Stimbre, "Petits ors du temps"

15 mai 2013

"tant d'énigmes pour si peu de mots vies

Page d'écriture au Bar en Zinc

"tant d'énigmes pour
 si peu de mots

vies éphémères des pages
que nous incisons
de signes éternels

étiage de la parole
crue de l'énigme

poème que ses mots brûlent
mais cette cendre ô cette nuée
de cendre
quel orpailleur de futur
lui donne sens désormais

sensation d'un plein mortel
se lovant dans une peau
de silence"

Bernard Blot, "Des raisons d'errances"

14 mai 2013

"Le poèteet la roue des questionsA-t-il failli

Page d'écriture au Bar en Zinc

"Le poète
et la roue des questions
A-t-il failli lui aussi ?
Il s'est battu
tant que le monde avait une assise
et le berger une étoile
Il a hurlé avec les fous
et arboré le sourire de l'éveillé
Il a tendu la main
jusqu'à ce qu'on la lui coupe
De sa marge
il observe maintenant les broyeurs
succédant aux broyeurs
Jusqu'à quand ?"

Abdellatif Laâbi, "Zone de turbulences"

Publicité
Publicité
12 mai 2013

Poésie sur Creuse (suite)

Ecorce de bouleau (détail)

09,10,11,12 mai

Guéret, Savennes, Saint-Christophe,

le Moutier d'Ahun, Sardent

Festival pliant en poésie et chanson

Programme et inscriptions

11 mai 2013

"Les livres que m'offrait l'étagère pour me

Ecorce de bouleau (détail)

"Les livres que m'offrait l'étagère pour me révéler le secret de l'Esprit, c'étaient une Civilité des familles, une Clef des Songes, avec, en supplément, Le Langage des Fleurs ; une brochure à couverture illustrée où des personnages échangeaient des propos alternés avec beaucoup de points d'exclamation : Les Chevaliers du Brouillard  ; puis un tout petit livre, dont le texte, pourtant lisible, ne présentait aucun sens : les Catilinaires  de Cicéron (encore un héritage de l'oncle séminariste) ; un autre, presque aussi incompréhensible, qui portait en titre sur une couverture laquée : Le Dernier Jour, poème en douze chants, orné d'un frontispice où une femme qui avait l'air très en peine s'appuyait à une colonne rompue, au-dessus d'une légende calligraphiée :
                                                                           Telle brille une rose au milieu d'un désert.
Et, dans l'ombre de mon grenier, je récitais à mi-voix, pour tâcher d'en tirer quelque chose, ce pauvre beau vers chargé de splendeurs vaguement entrevues : la poésie et le romanesque, et l'exotisme, et la Femme, et la Douleur, et la Beauté."

Jules Marouzeau, "Une Enfance"

 

10 mai 2013

"Et comme les eaux de la Vézère qui continue à

Ecorce de bouleau (détail)

"Et comme les eaux de la Vézère qui continue à couler dans son lit au fond du lac de Siom en lui donnant sa couleur et son volume, c'est à la langue de Bernard de Ventadour que je pensais en écoutant la vieille dame : une langue à la fois tout autre et cependant parente, quelque chose qui s'était officiellement tu il y a longtemps mais qui avait persisté à bruire dans ces rameaux solitaires qu'on appelait les patois et qui laissaient entendre un peu de cette langue d'oc défaite par le français mais dont le français, tel qu'on le parlait sur les hautes terres, était travaillé en profondeur [...]."

Richard Millet, "Ma vie parmi les ombres"

8 mai 2013

"Ah ! Limousin franche terre courtoise,je suis

Ecorce de bouleau (détail)

"Ah ! Limousin franche terre courtoise,
je suis bien heureux de l'honneur qui vous est fait,
grande joie et réputation et plaisir et gaieté,
courtoisie et réjouissance et galanterie
s'en vont à vous..."

Bertrand de Born, troubadour limousin, cité dans "Limousin, Corps & Âme"

7 mai 2013

"[...] Nous sommes au bord de l'Auvergne, au bord

Ecorce de bouleau (détail)

"[...] Nous sommes au bord de l'Auvergne, au bord du Berry, dans un entre-deux boisé, parcimonieusement peuplé, avec toujours un temps de décalage depuis l'époque préhistorique ; les gens de menhirs, de pierres levées, peira levada, ont duré, perduré sans beaucoup de brassage, sans invasions majeures et peuplantes. Peut-être sommes-nous réellement des marginaux, et cela marque notre comportement : l'ambition, la trempe du caractère ? Cela ne date pas d'hier : après tout, qu'est-ce qui faisait désigner à Rabelais son jeune étourdi pédant, se poussant du col, comme un "eschollier lymousin"? Et pas un Normand, un Auvergnat, un Basque, un Savoyard, que sais-je ?... A qui faisait-il allusion au juste ? A un quidam sorti des bois d'un pays pauvre ? Sans doute. Des bois bien peuplés par des loups."

Claude Duneton, préface de "Balade en Limousin ; sur les pas des écrivains"

Publicité
Publicité
Publicité
La Creuse, de reflets en ballades

Tous les auteurs de ce blog sont
ici


Newsletter
Publicité