Rien ne révèle ce que je pense. Ni la surface
Rien ne révèle ce que je pense. Ni la surface aveugle de l’écran, ni le cliquetis obsédant des touches du clavier. Encore moins. Je pense entre les lignes comme vous ne soupçonnez pas, vous, autant que vous êtes à lire mes façons, à sonder mes humeurs, à donner la leçon. Sous un toit loin d’ici, dans une ville que je ne connais pas encore… une fenêtre ouverte.
Rien ne révèle ce que je suis. Ni l’encre sympathique de mon entrain, ni le verbe acéré de ma mauvaise foi. Encore moins. Je suis sur des lisières qu’ils ne fréquentent pas, eux, autant qu’ils sont à tenir le cordeau, à longer la rigole, à flatter les corbeaux. Au creux d’un chemin creux que je ne connais pas encore, dans une trouée du feuillage… un reflet soudain.
Rien ne révèle où je vais. Ni l’air que je déplace, ni la trace fuyante surlignée par le curseur de la machine. Encore moins. Je vais au plaisir du hasard comme nous le faisons tous, nous, autant que nous sommes à brûler les deux bouts, à flairer les occases, à survivre debout. Au bord de la falaise du ciel que je ne connais pas encore… une étoile hésite.
Jean Pauly, "Bordures du Champ secret"