Exil
La maison aux yeux vides
dont battent les paupières
comme pour saluer le vent qui se salue
a la dignité des gares
où les trains ne s’arrêtent plus
carcasse abandonnée
sur le bord de la route
qui passe
Alan Bathurst
Des fenêtres entrouvertes sur un mur ruiné; des fenêtres entrouvertes sur un ciel plombé. (fw)
"[...]
attente des pans de murs
attente des pans de ciels
attente des yeux tissés de tous les regards"
Gaston Miron, "L'homme rapaillé", Poésie/Gallimard
"[...] Par les fenêtres qui s'ouvrent sur la nuit comme des yeux crevés, aucun rayon ne filtre, ni signe ni regard, les cris montent au ciel et retombent - glacés, éteints comme des étincelles déchargées dans les oreilles froides des enfants plus que nus qui mendient la mort sur le pavé."
Pierre Reverdy, "Sable mouvant", Poésie/Gallimard
Le pommeau de la canne frappe contre la porte
Mais non, ce ne sont pas des voix
Il n’y a personne ici
C’est vrai qu’il fait bien froid
Frappe encore
Ils ne reviendront pas
Ni ton premier regard
Et tout au fond de toi
Ni le chant qui te berça, une première fois
Jean-Paul Raffel
Le pommeau de la canne frappe contre la porte
Entends la voix de ta mère
Elle accouche à nouveau
L’enfant viendra au monde une seconde fois
Ce sera toi coiffé de ta revanche
Mais la maison est dépassée par le temps
Ce que je perçois, l’oreille contre le bois
Ce sont les bruits de ta naissance ceux que tu viens d'oublier
L’odeur de famille vient avec la mémoire
Un civet, des fleurs et le parfum des morts embaument le jardin
Et puis cette silhouette referme la porte
Jean-Paul Raffel
"Je me souviens, c'était un matin, l'été,
La fenêtre était entrouverte, je m'approchais,
J'apercevais mon père au fond du jardin.
Il était immobile, il regardait
Où, quoi, je ne savais, au dehors de tout,
Voûté comme il était déjà mais redressant
Son regard vers l'inaccompli ou l'impossible.
[...]"
Yves Bonnefoy, "Les planches courbes", Poésie/Gallimard
"[...] et la maison qu'on voit au fond semble attendre d'obscures injures;
une maison que le temps caresse avec ses doigts d'usure et de parjure, ses ongles frôlant les ardoises du toit; une maison qui joue avec le temps, le soleil et le mauvais temps, les cartes mauvaises du vent qui fait jouer les girouettes;
une maison qui porte l'ancienne blessure du temps et joue l'amour à contre-temps, à contrecoeur contre le vent, sous le manteau traînant des crépis délabrés et des ronces, avec son coeur comme un écu sur la poterne."
Marcelle Delpastre, "Le chasseur d'ombres et autres psaumes", Edicions Dau Chamin De Sent Jaume