"Les livres que m'offrait l'étagère pour me
"Les livres que m'offrait l'étagère pour me révéler le secret de l'Esprit, c'étaient une Civilité des familles, une Clef des Songes, avec, en supplément, Le Langage des Fleurs ; une brochure à couverture illustrée où des personnages échangeaient des propos alternés avec beaucoup de points d'exclamation : Les Chevaliers du Brouillard ; puis un tout petit livre, dont le texte, pourtant lisible, ne présentait aucun sens : les Catilinaires de Cicéron (encore un héritage de l'oncle séminariste) ; un autre, presque aussi incompréhensible, qui portait en titre sur une couverture laquée : Le Dernier Jour, poème en douze chants, orné d'un frontispice où une femme qui avait l'air très en peine s'appuyait à une colonne rompue, au-dessus d'une légende calligraphiée :
Telle brille une rose au milieu d'un désert.
Et, dans l'ombre de mon grenier, je récitais à mi-voix, pour tâcher d'en tirer quelque chose, ce pauvre beau vers chargé de splendeurs vaguement entrevues : la poésie et le romanesque, et l'exotisme, et la Femme, et la Douleur, et la Beauté."
Jules Marouzeau, "Une Enfance"