Bordures
Chaque fin de semaine, une photo. Un poète, passant par-là, s'en inspirera peut-être. Ou peut-être pas.
Du 15 février au 15 avril, c'est le temps des Dialogues dans les Bordures (lien au bas de cette page)
Par-dessus les bordures, volutes et arabesques s'élèvent. Les voix des poètes ? (fw)
20 février 2014
"L'oubli absolu. C'est le genre d'épreuve
que l'on passe en silence : franchir la frontière sans que personne ne le remarque..."
Tomas Tranströmer, "Baltiques", Poésie/Gallimard
"on sugère un passage
on exige de l'absence
une lisière pour donner sens
[...]"
Bernard Blot, "Des raisons d'errances", La Fidelienne
18 février 2014
"Voici la berge
le fleuve
et la berge d'en face
dont je ne sais rien
Hostile ?
C'est de rigueur
Désirable ?
C'est à voir
Le trouble est en moi
grand
[...]"
Abdellatif Laâbi, "L'automne promet", Editions de la Différence
17 février 2014
photosynthèse
longtemps
après les naufrages
les tréfonds des océans brassent encore
des illusions d'oxygène
andrée wizem
16 février 2014
Je vous ai vue
Musée d’Orsay
Nikon en bandoulière
Près de ce tableau impressionniste
Je vous ai vue
Souffler les brindilles
Les yeux plissés
L’enfance aux lèvres
Vous ne m’avez point vu
J’étais caché dans un champs aux corbeaux
À vous admirer
Près de cette peinture craquelée
Alors que vous étiez ravie
Dans ce kaléidoscope, toute éplapourdie
Julien Hoquet
Bordures
Le hauban du bonheur, l’étrange cliquetis des élingues, l’éclat de rire dans la ria, le flop du foc quand on abat, le grain de sel sous ton aisselle – ton air de rien, ta chute de reins, ton ras des seins, ton pull marin - la coque qui cogne, le ponton qui craque, le boute, la bitte, les bottes en caoutchouc, le mouillage au crépuscule du bord de l’eau. Bord de l’Odet.
L’éclaboussure de la rivière, les insectes autour du verre de blanc sec, la palpitation de l’air et sa poussière de paille, le hamac entre deux soleils et l’alambic du sommeil - le temps volatil, le temps volé, le temps filtré, le temps du flirt – juste une goutte de bonheur, dans une gargote, avant qu’on se quitte, dans le crépuscule du bord de l’eau. Bordelais.
L’ascension du désir, la crête entre deux précipices, précisément sur le fil de la quête, une rasade de bonheur sur une lame de rasoir - dans l’instant, dans l’attente, dans l’intense, dans l’état de latence – la douce ivresse de l’équilibre, le doute, le non-dit, la litote, entre ni oui ni non, entre deux eaux, entre chien et loup, au bord du crépuscule. Borderline.
Jean Pauly
15 février 2014
"Ecrire ce pays et bientôt s'apercevoir que le fouillis des paragraphes, des lignes raturées, des mots hachurés, ressemble à s'y méprendre à ce que l'on cherche à décrire : un paysage en toile à sac, une étoffe rustique composée de lambeaux dont la trame et la chaîne révèlent la nature des fibres, lin et chanvre, soumise au broyage et au treillage avant d'être filées à la quenouille et au rouet. Une sorte de drap grossier, de tiretaine, moitié fil, moitié laine simplement cardée. [...]
S'en tenir là. Ne plus avancer le moindre mot et, sous le couvert de la lisière, entre chien et loup, ne plus observer le monde qu'à la dérobée, avec, dans le regard, l'immémoriale crainte des bêtes. faire silence. Et disparaitre."
Alain Galan, "Lisières limousines", Editions Lucien Souny