L'arbre du temps Après cette fenêtre aux barreaux
L'arbre du temps
Après cette fenêtre aux barreaux grillagés,
Survit un petit arbre pensif,solitaire,
Aux racines qui giclent tout au fond de la terre
De la maison d'arrêt. Là, sont les encagés.
Si loin sont la femme et l'enfant.
C'est l'arbre balancier de ce temps détenu,
Ses bourgeons puis ses feuilles, ses fleurs et la jonchée.
Un an dit le tilleul de ces quatre battées.
Et mon coeur, lui aussi, est comme un arbre nu.
Si près sont la femme et l'enfant.
Ce haut mur de briques a découpé ma vie
Et enclos mes erreurs, mon présent de chagrin,
La solitude à quatre et l'avenir lointain.
Derrière, si près, je sais les parfums que j'envie.
Revoir, revoir femme et enfant ?
Dans la cour des pas lents où passe ma vie piètre,
Survit un petit arbre têtu et solitaire.
Comme lui tenir, tenir, être encore et se taire.
Retrouver des poignées aux portes, aux fenêtres.
Revoir d'infinis paysages.
Bernard Stimbre, "Petits ors du temps"